[Guilde] La Maison Taryante ou la quête des Bien-Nés

Les Kal'dorei, les enfants des étoiles

L'Etre est absolument infini, une infinité d'attributs infinis. Le commun n'en perçoit que deux, la Pensée et l'Etendue. Heureux ceux qui perçoivent le troisième, le Crépuscule. En Azeroth, il s'incarnait dans le Puits d'Eternité. Il était la source où nos ancêtres puisaient leur libération des corruptions, là où leur éternité se reflétait limpide et où la félicité de la durée semblait proche. En sa présence, peu à peu, ils s'éveillèrent à leur propre éternité, et entreprirent de se libérer des miasmes dont l'Innommable, les Dieux Très Anciens en sont l'idée la plus proche pour le profane, baigne notre monde. Guidée par une Reine de sagesse, ils se nommèrent Bien-Nés et parmi eux, nos ancêtres étaient la Maison Kal'dorei Palantir. Un nom signifiant "ceux qui voient loin" dans la langue des initiés Bien-Nés

Le Mana est un instrument prodigieux, une puissance inégalée mais tous les êtres intelligents peuvent prendre conscience de leur éternité. Le puits devait permettre de les élever tous à leur béatitude: il ouvrait nos yeux sur le Crépuscule, l'espace infini du mana, lieu d'accomplissement pour les sages, d'asservissement pour les pantins de l'Innommable. Il fut le gouffre où le monde de nos ancêtres s'engloutit. Au lieu de suivre les rituels longs et complexes de la libération, l'un des Hauts-Mages s'impatienta. Il chercha des raccourcis qui n'existaient que dans son imagination débile. Pourtant, sa langue à la fois flatteuse et calomnieuse convainquit la Glorieuse. Nos mages tombèrent en disgrâce et furent évincés du Conseil de la Reine. Les Palantir osèrent alors des mises en garde qui furent considérées comme des outrages et ils furent défnitivement bannis de la capitale. Le Conseil fut fidèle à sa démesure et à ses délires bien au-delà de ce que nos aïeuls avaient imaginé. Le Démon subjugua les imprudents et, au lieu de libérer, ils détruisirent.

Parmi le peuple, certains qui ignoraient tout des Arcanes et de la libération, s'en remirent à la Déesse et à la Nature pour lutter contre la démence ardente qui s'abattait. Au milieu du chaos des forces déchaînées, les Palantir ne parvînrent pas à sauver le puits. Tout fut anéanti et un cataclysme inouïe changea la face d'Azeroth.

Les survivants suivirent le Destructeur et s'installèrent sur le mont Hyjal où un mage avait répandu de l'eau du puits d'éternité. Hurle sa Rage le pourchassa et l'ensevelit vif, une torture sûre et infâme pour un immortel, censée décourager tous ceux qui tenteraient de se libérer. Une telle sentence, condamnant l'un des nôtres à la démence, le dévoila comme agent de l'ignorance, de la servitude, marionnette de l'Innommable. La corruption de la Glorieuse et la haine du Mal Furieux avait été une seule et même chose, le moyen par lequel l'Innommable était parvenu à sa fin, la destruction du puits d'éternité, de la source de l'éveil et de la libération. La raison de notre lente évolution, de notre arrachement à la débilité originelle, à la médiocrité dont se délecte l'Obscur n'était plus. Et le pantin des Abysses avait damné celui par qui quelque espoir avait survécu. Et il faisait assassiner tous ceux qui s'initiaient aux Arcanes. Les Palantir durent dissimuler radicalement leur Science et leurs rituels pour ne pas qu'ils sombrent dans l'oubli et notre lignée avec.




Si la plupart des Kal'dorei suivaient l'exemple du Mal Furieux et maudissaient nos frères damnés, les Palantir les plaignaient et cherchèrent à apaiser les tourments de ces âmes perdues. Tandis que la majorité s'en désintéressait, nous explorâmes les ruines de notre ancien Royaume pour comprendre les effets de ce désastre. Nous comprîmes peu à peu l'horreur qui s'était incarnée. L'Innommable se moquait de leurs faiblesses et avait métamorphosé et caricaturé les Bien-Nés déchus d'après la déviance qu'ils avaient perpétré par rapport à la Quête. Ceux qui avaient été trop faibles pour s'opposer comme les Palantir étaient devenus des spectres frémissants comme à Ameth'Aran. Ceux qui s'étaient écartés de la Voie en se laissant aveugler par un désir impatient de l'éternité, de la sagesse et de la connaissance secrète s'étaient hideusement flétris dans la peau de Nagas, antique symbole de ces vertus. C'était le cas à Eldarath, dans la baie des tempêtes où s'était engloutie Zin-Azshari, sur les côtes du Couchant de ce qui devint Orneval et des provinces qui prirent plus tard les noms de Désolace et de Féralas. Ceux qui avaient été simplement emportés par leur avidité n'étaient plus que des satyres. On les trouvait dans les lieux les plus ignobles comme Bashal'Aran, dans ceux qui avaient été consacrés à Xavius et à Sargeras et qui prirent les noms de Xavian et Sargeron. La liste des monstruosités était telle que les Palantir ne partagèrent pas leurs découvertes. L'Innommable voulait effrayer les non éveillés et les détourner à jamais de la quête des Bien-Nés. Et Ça espérait décourager et faire abandonner ceux qui la suivaient encore. Nous espérions pouvoir les régénérer mais les sbires du Mal Furieux nous surveillaient et nous ne pûmes les étudier assez, ni initier des rituels. La plupart de ces damnations ont donc survécu en ces lieux jusqu'à nos jours.

Si la cité d'Isildien sombra peu à peu dans le néant, la cité d'Eldre'Thalas avait en partie échappé au cataclysme. Gouvernée par le prince Tortheldrin, les meilleurs arcanistes avaient été sélectionnés et y avaient été envoyés par la Reine pour se consacrer entièrement à la quête des Bien-Nés. Ils avaient pour nom les Shen'dralar et constituaient une véritable société secrète, directement sous les ordres de la Reine. Pour surmonter la perte du puits d'éternité, le prince fit capturer un puissant démon qu'il enferma dans une barrière crépusculaire et que les Shen'dralar utilisèrent comme source de mana. Pendant des milliers de cycles, les Shen'dralar purent poursuivre la quête en toute quiétude tandis que les Palantir et leurs autres frères arcanistes devaient se dissimuler aux yeux du Mal Furieux qui Hurle sa Rage. Etre ignoré de lui ne suffisait pas pour continuer sur la voie, il leur fallait une nouvelle source de mana. Recourir à la démonologie était une folle imprudence, fruit du désespoir, et eut plusieurs conséquences.
Tout d'abord, les Shen'dralar réduisirent au minimum les liens avec les rares Bien-Nés qui connaissaient leur existence pour éviter qu'ils ne découvrent leur secret. Ayant des parents à Eldre'Thalas, les Palantir eurent le droit de consulter les bibliothèques de l'Athenaeum mais de manière très restrictive et ce droit leur fut enlevé quand ils s'exilèrent de Kalimdor et aucun portail ne fut autorisé.
Ensuite, l'imprudence révéla son horreur après plusieurs milliers de cycles: en puisant dans l'essence crépusculaire du démon, ils l'affaiblirent jusqu'au point où l'énergie qu'il leur fournit fut inférieure à l'énergie requise pour alimenter la barrière de protection. C'est ainsi que ceux qui veulent asservir l'enfer en deviennent les esclaves: le prince Tortheldrin se résolut à l'ignominie et sacrifia régulièrement l'un des siens au Démon afin qu'il recouvre assez de forces pour alimenter la barrière.
Enfin, cela les conduisit à ne plus seulement éviter les hôtes mais à les éliminer. C'est ce qui arriva récemment à l'explorateur de Quel'Thalas en Kalimdor, le maître des traditions sin'dorei Kariel Winthalu. Quand il se présenta à Eldre'Thalas en quête des sciences concernant notamment les sources de mana, le prince Tortheldrin le fit exécuter pour éviter que ses sacrifices démoniaques ne soient découverts.






Quelques citations de la sagesse des Shen'dralar que l'on peut glaner dans la bibliothèque à la myriade de cycles qu'est l'Athenaeum d'Eldre'Thalas:

"Je ne montre ma compréhension d'un mage qu'à partir du moment où je puis oeuvrer dans son arcane; où, sans amoindrir son individualité, je peux le traduire et le transformer de diverses manières."
"Dans le style de l'authentique arcaniste, rien n'est ornement; tout y est hiéroglyphe nécessaire."
"Le désir révolutionnaire de réaliser le royaume des Bien-Nés est le point élastique de la culture progressive et le commencement de l'histoire moderne. Ce qui est sans rapport avec le royaume des Bien-Nés n'y joue qu'un rôle accessoire."
"L'image trompeuse d'un âge d'or passé est l'un des plus grands obstacles à l'approche de l'âge d'or qui doit encore venir. Si âge d'or il y eut, il n'était pas d'or véritable. L'or ne rouille ni ne s'altère, il ressort invinciblement pur de tous les mélanges et de toutes les décompositions. Si l'âge d'or ne doit pas durer éternellement, il vaut mieux qu'il ne commence même pas: il n'est bon qu'à inspirer des élégies sur sa perte."
"Notre temps n'est pas encore mûr pour cela, disent-ils toujours. Est-ce une raison pour y renoncer? - Ce qui ne peut encore être, il faut au moins que cela ne cesse de devenir."
"Plus on sait, plus on a à apprendre. A proportion de la connaissance croît l'ignorance, ou plutôt la connaissance de l'ignorance."
"Ce qu'on nomme un mariage heureux est à l'amour ce qu'un rituel correct est à une invocation improvisée."
"Mystique est ce que dans le monde voit seul l'œil de l'arcaniste. Chacun peut bien avoir sa mystique à soi, mais il lui faut aussi la garder pour soi. Il y en a beaucoup qui travestissent le beau Crépuscule, mais sûrement aussi quelques-uns qui le mystifient, et qui ont donc à le garder pour eux. Les uns et les autres sont éloignés du Sens qui permet de vraiment jouir de lui, et du chemin qui nous permet de nous le ramener."
"Ce qui paraît stupidité est bien souvent folie, laquelle est plus commune qu'on ne pense. La folie, c'est le renversement absolu de la tendance, l'absence totale de sens historique."
"Le point de vue arcanique sur cette vie nous est nécessaire. C'est là seulement qu'elle prend vraiment son sens pour nous."
"La magie est musique pour l'oreille intérieure, et peinture pour l'œil intérieur: mais musique assourdie, mais peinture évanescente."
"Pareil à une petite œuvre d'art, un arcane doit être totalement détaché du monde environnant, et clos sur lui-même comme un hérisson."
"Il y a des jours où l'on est dans une heureuse disposition et où l'on peut aisément former de nouvelles esquisses, mais sans parvenir à les communiquer, et pas plus à réaliser effectivement quelque chose. Ce ne sont pas des arcanes; seulement des âmes d'arcanes."
"La plupart des pensées ne sont que des profils de pensées. Il faut les retourner et les synthétiser avec leurs antipodes. Beaucoup d'écrits philosophiques et arcaniques trouvent ainsi un grand intérêt, qui sans cela n'en auraient aucun."
"La philosophie et les Arcanes marchent encore trop droits, ne sont pas encore assez cycliques."
"Chaque recension arcanique devrait être en même temps arcane de la recension."
"Tout elfe inculte est sa propre caricature."
"C'est avoir un goût sublime que de préférer toujours les choses à la deuxième puissance. Par exemple, des copies d'imitations, des examens de recensions, des additifs aux appendices, des commentaires sur les notes. Quand cela revient à rallonger, ce goût est plus propre à nous autres Bien-Nés; quand il favorise la concision et l'inconsistance, aux Kal'dorei. Leur enseignement scientifique est à l'ordinaire l'abrégé d'un condensé, et leur tragédie, le plus noble produit de leur art poétique, n'est que la formule d'une forme."
"Lorsqu'on rêve qu'on rêve, le réveil est proche."
"L'esprit de l'authentique socialité est sans tapage. Il en existe une espèce qui n'est qu'irisation magique dans les sphères supérieures."
"Le plus sûr moyen de provoquer l'incompréhension, ou plutôt la mécompréhension, est d'employer les mots dans leur sens primitif, en particulier des mots pris dans les langues anciennes"
"Nombre d'œuvres des Anciens sont devenues des fragments. Nombre d'œuvres des Modernes le sont dès leur naissance."
"Une jeune elfe en fleur est le plus séduisant symbole de la volonté bonne"
"Il est bien plus difficile de donner aux autres l'occasion de bien parler que de bien parler soi-même."
"Là où doit s'avancer un accusateur public, il faut que siège déjà un juge public."
"On parle toujours du trouble que la dissection de la beauté artistique est censée causer à la jouissance de l'amateur. Allons donc, le véritable amateur ne se laisse pas troubler!"
"L'intuition intellectuelle est l'impératif catégorique de la théorie."
"L'authentique bienveillance cherche à favoriser la liberté d'autrui, non à lui octroyer des jouissances bestiales."
"La première chose en amour est d'avoir le sens l'un de l'autre, et son sommet est la foi l'un dans l'autre. Le dévouement est l'expression de la foi, et la jouissance peut aviver et aiguiser le sens, bien qu'elle ne le produise pas, contrairement à l'opinion commune des autres peuples. Aussi la sensualité peut-elle abuser un moment des gens médiocres, leur faisant croire qu'ils s'aiment."
"L'objet de l'histoire est l'effectuation de tout ce qui est pratiquement nécessaire."
"Est beau ce qui est à la fois séduisant et sublime."
"Ne pas tenir compte de la foule est éthique; la respecter est équitable."
"On s'étonne toujours avec quelque méfiance devant quelqu'un qui paraît savoir que ceci ou cela sera ainsi. Il est pourtant tout aussi étonnant que nous puissions savoir que ceci ou cela est ainsi; ce qui ne frappe personne parce que cela arrive sans cesse."
"Il est puéril de s'ingénier à communiquer au x gens ce dont ils n'ont pas le sens. Faîtes comme s'ils n'étaient pas là, et mettez leur sous les yeux ce qu'ils doivent apprendre à voir. Voilà qui est à la fois hautement cosmopolite et hautement moral, très poli et très cynique."

Un Shen'dralar témoin du sacrifice de l'un des siens nous rapporta ses mots que le condamné adressa au prince Tortheldrin: "Seul celui qui se pose lui-même peut poser autrui. Seul de même celui qui s'annihile lui-même a le droit d'annihiler tout autre."

D'autres mages avaient survécu et se souvenaient de la quête des Bien-Nés, de la lutte contre l'Innommable. Comme nos ancêtres, ils percevaient leur libération. Leur société secrète grandit. Après la création de l'Arbre Monde sur les gouttes sauvées de l'eau du puits, ils se dissimulèrent dans les replis de ses racines. Finalement, ils furent assez nombreux et puissants pour défier le Tyran, le Fléau des Mages, le Mal Furieux. Ils ne voulaient pas la guerre, seulement le droit à la sagesse, que l'ignorance ne soit plus une obligation. Le meilleur d'entre eux, leur Voix, Dath'Remar, présenta sa Science. Mais le Fléau des Mages ne voulut rien écouter. Les Bien-Nés firent alors éclater un orage magique gigantesque qu'ils voilèrent à toute perception extérieure pour démontrer que les Arcanes pouvaient exister sans menace d'agression. Aveuglé par sa fureur, Hurle sa Rage les exila au contraire en les calomniant et leur prêtant les plus grandes imprudences. Il les contraignit ainsi à quitter leur peuple. Ils s'y résignèrent car ils avaient leur Voie, Dath'Remar et la quête des Bien-Nés. Il leur donna foi et, avec lui, ils entreprirent l'impossible, la traversée du Maelström, du tourbillon né de la destruction du puits. Incarnation des forces déchaînées du cataclysme, il paraissait infranchissable. Le Tyran était heureux, il les envoyait à la mort sans se salir les mains. Certains ne s'étaient pas découverts et demeurèrent pour sauvegarder notre Science. Le danger était trop grand pour que tous s'y risquent et, encore de nos jours, ils vivent en Kalimdor, sous la tyrannie.




Le Mal Furieux était ignorant, bêtise et méchanceté sont synonymes comme chacun le sait. Il n'imaginait pas la puissance des Arcanes, la gloire des Bien-Nés et les bannis traversèrent le Chaos des ondes. L'océan, cet infini reptilien, avait englouti leur civilisation. La peur et l'ignorance de certains les avaient exclus de ses ruines. Sans port d'attache et sans autre passé que leur fidélité à la Quête, le monde s'offrait à leur exploration. Ils puisèrent dans leurs Arcanes la force de supporter la lumière et les chaleurs diurnes. Dath'Remar prit le nom de Haut-Soleil pour encourager la flotte écrasée par l'astre brûlant. Sa perception des magnitudes les guidait. Un phare pour éviter les Horreurs immémoriales et aborder les terres intenses du mana, les ruines d'antiques royaumes dévoilant quelques secrets. C'est ainsi que les Bien-Nés purent parfaire leurs rituels. Haut-soleil acquis la maîtrise de la création d'un puits de mana et du cycle du Phénix, le pouvoir de régénérer et de lutter ainsi contre ce qui gangrène Azeroth. Hélas, la puissance magique de ces contrées était la cible de terribles corruptions. L'Innommable veillait à n'offrir aucun sanctuaire, à manipuler les auras pour asservir ceux qui tenteraient de s'élever en ces lieux et aucune ruine ne put les abriter.

Ils accostèrent finalement dans la partie nord du continent levantin, sur des terres peu peuplées. Des territoires barbares dont les indigènes, des sauvages tout à fait ignorants, se conciliaient aisément par quelques présents. L'Innommable ne semblait guère leur prêter d'attention car, assez frustes pour être insensés, ils satisfaisaient les caprices de la médiocrité et ne menaçaient pas de s'éveiller. Les Bien-Nés tentèrent d'y remédier sans grand succès, la magie et les rituels les effrayant trop.

Percevant l'emprise des Dieux Très Anciens au sud, Haut-Soleil les guida à travers monts et forêts plus au nord jusqu'à des clairières accueillantes où ils s'installèrent.

Pourtant, d'insidieuses et indécelées puissances se terraient dans les profondeurs. Elles entravaient les rituels au point d'empêcher la création du puits mystique. Leurs émanations les affectèrent et certains dégénérèrent. Leurs esprits troublés, ils sombrèrent dans des délires inextinguibles. Les Bien-Nés s'affaiblissaient tous d'une manière générale. Jadis, les eaux sauvées du puits d'éternité les fortifiaient. Désormais, elles étaient trop éloignées pour qu'ils puissent en bénéficier et ils découvrirent de nouveaux maux: vieillesse et maladie.
Menacés d'extinction et de démence, il leur fallait trouver le lieu où s'épanouirait la formule, là où la civilisation des Biens-Nés pourraient être, là où les prédictions du Mal Furieux seraient démenties.

Ils quittèrent les clairières menteuses et Haut-Soleil les guida plus au nord encore où ils découvrirent un nouveau fléau: une espèce, toute de rage et de cruauté, se régénérant sous leurs coups, entièrement vouée à l'Innommable, les Amani. Tous les efforts des Bien-Nés furent vains. Aucune délégation, aucun présent, aucune aide, aucune bienveillance (même nourrir, soigner et rendre à la liberté les agresseurs ou les sauver d'un fauve), rien ne les détournait de leur haine, de leur jouissances violentes, de leurs perversités sanglantes. Des forêts immenses couvraient leurs vastes territoires qu'ils défendaient farouchement. La présence des elfes leur était intolérable. Pour eux, l'étranger était un sacrilège, une abomination, une proie et rien d'autres. Affaiblis par leur séparation des eaux éternelles, certains Bien-Nés succombaient aux maladies, d'autres à cette sylve vorace où chaque taillis pouvait accueillir leur mort. Certains suggérèrent alors de renoncer au septentrion. Les sauvages plus au sud pourraient être éveillés avec le temps, un territoire pourrait nous accueillir. Haut-Soleil ne se laissa pas fléchir. Le mana y était pauvre et ces territoires n'étaient pas assez éloignés de zones profondément infectes. Il leur rappela la longue lutte des Bien-Nés contre toutes les formes d'infamie. Une espèce aussi venimeuse ne devait pas être considérée comme des dieux. Reculer, respecter leurs territoires comme des terres sacrées où nul ne peut pénétrer, rendraient gloire à l'Horreur.Se laisser envahir et gouverner par la peur, plier sous le joug de la violence seraient autant de manières d'adorer Ce-Qu-On-Ne-Peut-Nommer. Sans résistance de leur part, les Amani auraient tôt fait d'étendre leurs territoires jusqu'aux terres elfiques et les Bien-Nés seraient tel le lièvre fasciné par le serpent, des pétrifiés attendant la mise à mort.

A ces paroles, tous unirent leurs volontés et les bannis, malades et harcelés, s'avancèrent inexorablement et traversèrent les sombres forêts où ne vivaient que chasseurs de têtes et sorciers vicieux. Enfin, ils parvinrent à l'extrême nord du continent et une terre habitable se profila. Protégée par quelques monts et une rivière au sud, par les océans ailleurs, accueillante comme ses côtes adoucies de plages de sables fins, rayonnante comme sa nature vibrante de mana, ils commencèrent à y ériger leur sanctuaire.


Les Quel'dorei, les hauts-elfes

Dath'Remar Haut-Soleil et les survivants de l'exode fondèrent Quel'Thalas, le Royaume des Bien-Nés. Les Hauts-Mages, sous la direction du Roi, créèrent le Puits de Soleil. Le mana abondait de nouveau et les Bien-Nés l'utilisèrent pour libérer leur terre de la corruption. C'est à cette date, que notre Maison fut fondée, à l'occasion du mariage du Patriarche de la lignée Palantir, scribe de Dath'Remar, et de sa fille Loth'Rámar. En l'honneur du Roi et de la princesse, nous prîmes le nom de Taryante, tar aryante, haut soleil dans la langue des initiés.

Malgré la perte du puits d'éternité, Haut-Soleil chargea notre lignée de poursuivre la quête des Bien-Nés pour qu'un jour, Azeroth puisse être libérée de toute corruption. Alors, commença une longue guerre dans le Crépuscule pour faire reculer l'influence de l'Innommable. Pour graver à jamais cette mission dans le devoir des générations futures, Haut-Soleil décréta que le titre de sa fille serait porté par tous les héritiers de la Maison Taryante. De princeps, le principe, ce titre demeure l'incarnation de notre fidélité au Principe, à Dath’Remar et à la Quête des Bien-Nés.

A peine le Royaume avait-il été fondé que les tribus Amani se liguèrent pour le détruire. Nos ancêtres étaient préparés à cet assaut. Non seulement, ils connaissaient leur haine mais ils savaient également que l'Innommable ne les laisseraient pas s'affranchir de son influence sans réagir. Le Roi à leur tête, ils utilisèrent leurs Arcanes pour repousser les démons sylvestres tandis qu'un rempart magique était érigé à partir de monolithes qui furent gravées de la rune de protection crépusculaire. Les trois plus grands mages du Royaume, Shan'dor, Falithas et le Patriarche Taryante guidèrent chacun un rituel forgeant une des pierres runiques centrales. Les roches levées déployèrent un réseau magique dissimulant le Royaume aux visions abyssales et le protégeant des forces magiques. Les sorciers Amani furent terrifiés de voir leur pouvoir s'évanouir et perdirent leur entrain. L'ost royal les mit en déroute et les refoulèrent bien loin dans les forêts.

Le Royaume put alors s'épanouir et Quel'Thalas devint un monument à la persévérance des hauts-elfes et à leurs prouesses magiques. Les palais somptueux furent érigés en utilisant le même style architectural que ceux des anciens bâtiments de Kalimdor, tout en étant entrelacés avec la topographie naturelle du terrain et voués au culte du soleil. Quel'Thalas était devenu le joyau étincelant que les elfes avaient si longtemps cherché à créer.

La capitale du Royaume fut appelée Lune d'Argent, incarnation de l'héritage des Arcanes Kal'dorei enfin accompli. Autrefois, nos ancêtres vivaient la nuit, seule la lune leur transmettait la lumière du soleil. En fondant Quel'Thalas, les Bien-Nés ne rejetèrent pas la lune mais s'y substituèrent. Désormais, les Bien-Nés regardaient le Soleil en face et devinrent le miroir qui reflétait le soleil sur le monde. Ils réfléchissaient et irradiaient désormais sa lumière par le puits de soleil et telle était la Gloire de Quel'Thalas.

Le Concile de Lune-d'argent fut désigné comme instance dirigeante de Quel'Thalas, même si la dynastie Haut-soleil conserva le rôle d'instance ultime, à la fois arbitre, premier gardien de l'Etat et chef suprême des armées. Constituée par sept des plus éminents seigneurs hauts-elfes, le Concile œuvra afin d'assurer la sécurité des elfes et de leurs terres. La représentation étant fondée sur le mérite et la compétence, de nombreuses maisons y siégèrent un temps. Le septième siège était destiné au changement pour accueillir le seigneur le plus perspicace du moment. Les principales organisations qui y siégèrent furent les Maisons Coursevent et Aubétoile, les Maisons Solcouronne et Brume d'Or, les Maisons Celwë Belore et Saen'Thalas, ainsi que certaines organisations, comme les gardiens du puits de soleil, l'Ordre de Haut-Soleil.


Protégés par leur barrière, les hauts-elfes ignorèrent les avertissements du Tyran Kal'dorei et se mirent à utiliser la magie de plus en plus communément, dans tous les aspects de leur existence. Sans être à l'abri des émanations de l'Innommable, ils ne subissaient plus, contrairement aux autres peuples, ses manipulations perfides. Et à la différence des autres peuples, leurs Arcanes les avaient libérés des tâches serviles du quotidien et ils se consacraient entièrement aux Arts, y compris culinaires, à la Philosophie et toujours à la Science du Mana. Ils inventèrent la chevalerie, et excellaient en tant que forestiers aux traits implacables, éclaireurs invisibles, sylvemages, prêtres de lumière, maîtres des portails, mages navigateurs, mages ignés ou arcanistes bien sûr.

Poursuivant la quête des Bien-Nés, sagesse de la libération affective en s'aidant des puissances magiques, une caste apparue bientôt, les magistères. A la fois mages et magistrats, leur perspicacité et leur mesure en firent les enquêteurs et juges du Royaume qui, à l'abri des possessions abyssales, vécut dans la concorde, la paix et la sécurité.

Pendant environ quatre mille ans, les hauts-elfes vécurent la félicité dans l'enceinte protégée de leur royaume, démentant les malédictions du Mal Furieux. Ce présent bienheureux, cet éternel printemps qui baignait le Royaume était un accomplissement certain mais la libération d'Azeroth ne progressait pas. L'Innommable demeurait toujours aussi puissant et nos seuls voisins, entièrement asservis par les tristes désirs de la mort cantonnèrent notre influence à Quel'Thalas.

Pire encore, les millénaires n'avaient pas érodé la folle haine des Amani. Une gigantesque armée assiégea Quel'Thalas et nos ancêtres reprirent les armes. L'envie et le plaisir de massacrer avait forgé un immense empire Amani. L'union des tribus les rendait innombrables et vagues après vagues, les défenses thalassiennes s'affaiblissaient. Devant ces assauts inextinguibles, la fin de Quel'Thalas et de la Quête se profila sur l'horizon ensanglanté. Des émissaires furent envoyés aux peuples rencontrés lorsqu'ils avaient abordé le continent. Ces tribus étaient devenues une vaste et puissante nation, Arathor. Leur Roi Thoradin fut assez lucide pour comprendre que si nous étions vaincus, les Amani déferleraient sur son Royaume et l'anéantiraient. Il se résolu à s'allier avec nous. Pour que ces alliés soient efficaces, nous dûmes leur enseigner la science des arcanes et les maisons nobles de Quel'Thalas envoyèrent des mages pour leur enseigner l'art de la mageguerre. Les Taryante formèrent onze mages qui fondèrent chacun par la suite une école et certaines nous conservent encore leur fidélité de nos jours.

Les armées d'Arathor, leurs mages, leurs maîtres hauts-elfes et d'autres mages elfes venus les renforcer, marchèrent sur les Amani. Ceux-ci se rassemblèrent pour arrêter la menace et mettre notre alliance en déroute. Devant les montagnes d'Alterac, les Amani se jetèrent sur l'armée alliée qui tint bon, laissant le temps suffisant aux mages pour lancer le rituel de la colère céleste ignée. Une pluie de flammes consumma les Amani. Ils ne purent ni se régénérer, ni gravir les hautes et longues pentes des montagnes pour fuir. Ils furent tous décimés. L'empire de la rage démente, les adorateurs des tueries, les sectateurs de la haine de tous n'étaient plus. L'alliance avait libéré Azeroth d'une tyrannie sanglante.




Pour la première fois de leur histoire, les Bien-Nés avaient rencontrés de véritables alliés, des êtres suffisamment censés pour se lever contre la violence et la mort. Les hauts-elfes les fêtèrent, leur offrirent leur amitié et les couvrirent de présents.

Non seulement les défenses de Quel'Thalas furent reconstruites mais le Royaume s'étendit et prit sa forme définitive. Aux deux provinces initiales, la province dite royale d'une part regroupant l'île de Haut-Soleil et le territoire au nord de Lune d'Argent comprenant la partie septentrionale de la capitale avec le plateau du puits de soleil, le village d'Aubétoile, la terrasse des magistères et le Port des Confins et, d'autre part, la province des Bois des Chants Eternels, s'ajoutèrent au sud la province des Terres Enchantées et la province sacrée de Quel'Thalas. A part quelques Amani subsistants éparses dans la partie orientale, en particulier dans les profondeurs de leurs catacombes et de leur capitale Zul'Aman, le Royaume de Quel'Thalas enveloppait toutes les forêts et la chaîne des montagnes au sud du Royaume. La province sacrée était une langue de terre, au couchant, coincée entre l'océan et les montagnes constituant la nouvelle frontière du royaume. Une région tout à fait inaccessible par voie de terre, sise juste au nord des clairières où nos ancêtres avaient tenté de s'établir.

Des navires reliaient les quatre provinces, du Port des Confins au nord à la Province Sacrée de Quel'Thalas, que l'usage nomma simplement Quel'Thalas au fil du temps, en passant par le Mouillage des Voiles du Soleil et les Terres Enchantées. Dans cette dernière province, les villages et Maisons de Brume d'Or et de Coursevent s'opposèrent pour obtenir le passage des navires. Finalement, le Concile décida de construire un ponton pour le débarquement, toujours visible de nos jours, à mi-chemin entre les deux villages.
Les défenses du Royaume s'étendirent en conséquence. Le Voile dissimulant Quel'Thalas enveloppa les nouvelles contrées grâce aux relais de deux sanctums, celui du Soleil pour les Terres Enchantées jusqu'à la Passe Thalassienne, désormais l'unique entrée terrestre du Royaume. Celui de la Lune pour la province sacrée de Quel'Thalas. Les magistères du sanctum du soleil veillaient aux défenses magiques de la Passe et surveillaient les activités des derniers Amani. Le Concile confia à la Maison Taryante le sanctum de la lune pour prolonger le réseau jusqu'à la province sacrée, consacrée à la quête des Bien-Nés. Nulle habitation, en dehors de la Tour Orbe des Bien-Nés. Nulle construction, en dehors du kiosque des rencontres et du petit quai où les navires abordaient. Les séjours étaient dédiés à la méditation, à la contemplation et aux rituels. Le sanctum de la lune était le lieu de préparation de ces rituels Bien-Nés.

Nos ancêtres vécurent alors l'apogée de Quel'Thalas et leur béatitude éternelle demeure à ce jour inégalée.


Deux des mages formés par les Taryante se révélèrent particulièrement talentueux.
Le premier se nommait Criamon et excellait dans l'investigation du Crépuscule, dans la compréhension du mana en tant que mana. Ses disciples suivrirent cette voie de l'étude rigoureuse du Crépuscule et une coopération s'institua au fils des cycles entre notre Maison et son école. Criamon réalisa quelques prouesses et découvertes qui fit de lui un véritable maître et il obtint le respect et la confiance de notre Maison. Au cours de ses recherches, il disparut un jour dans le Crépuscule.

Le second s'appelait Tytalus. Son affinité au mana était prodigieuse pour un non elfe et sa puissance crue rapidement. Elle attira sur lui l'attention de quelques démons. Au lieu de s'en effrayer, il s'en réjouissait et eut la présomption de tromper le trompeur. Il les étudiait, les capturait, les disséquait, cherchait à s'accaparer leurs pouvoirs. Il enferma le plus puissant d'entre eux, un démon qui se délectait des savoirs impies et qui avait eu le caprice d'observer les réactions de cet étrange mage. Après un long affrontement entre le geôlier et l'entité captive, le démon enseigna à Tytalus le secret de la sempiternelle jeunesse et quelques autres pouvoirs.

Assez lucide pour ne pas oser attirer l'attention d'un démon plus puissant, mais toujours désireux d'augmenter sa puissance, Tytalus résolut de se rappeler au souvenir de son maître Taryante et se rendit à Quel'Thalas. Il fut accueilli comme un ami, fêté, et l'un de nos ancêtres accepta de poursuivre son initiation. Lecteur boulimique, il progressait rapidement mais après quelques cycles, il craignit que son absence de vieillissement ne le découvre et décida de s'emparer des Arcanes Taryante. Un joyau forgé dans la trame même du Crépuscule et où l'ensemble des sorts et rituels de notre Maison sont conservés depuis les Palantir et le règne d'Azshara. Le contact du joyau est létal pour ceux qui n'y sont pas liés et malgré les précautions et inventions de Tytalus, il aurait dû mourir. Mais le démon avait trompé Tytalus, sa sempiternelle jeunesse n'était qu'un leurre nécromantique. Tytalus était damné et tandis que la vie le quittait, le démon qu'il croyait avoir tué commençait à l'animer. Ses hurlements et les réactions du joyau des arcanes alarmèrent plusieurs Taryante qui vinrent à son secours. D'abord décontenancés, ils tentèrent aussitôt de lui venir en aide. Certains conjurèrent le démon tandis que d'autres le soignaient. L'exorcisme fut aisé mais Tytalus était condamné, les soins ne faisaient que soutenir sa non vie et ne pouvaient pas lui redonner la vie dont le démon s'était joué.

Tandis que certains démiurges soutenaient son existence hors la vie, le Patriarche réunit le Conseil Taryante et ils prirent la plus surprenante des décisions. L'alternative était simple, arrêter d'animer ce qui était déjà un cadavre ou stabiliser son état de non vie. Le deuxième choix était une abomination et le premier logique, il fallait que cette anomalie démoniaque ou nécromantique, chacun hésitait sur le terme, cesse. Le Patriarche fit remarquer que malgré sa traîtrise et son erreur, Tytalus était notre ami, notre disciple et notre invité. Qu'il n'était pas honorable d'arrêter les soins, de le détruire. Certes, le corps de Tytalus était mort, mais le démon n'était plus et c'était bien lui qui percevait. La magie lui permettait de voir, d'entendre, de parler et si nous stabilisions son état, il pourrait animer son corps indéfiniment, tout comme un cul de jattes peut utiliser des jambes magiques pour se mouvoir. Tytalus n'était pas possédé, il était exorcisé, avions-nous le droit de le détruire (puisque le tuer n'était plus le terme adéquat)? Le droit, certainement, répondirent-ils, le devoir peut-être car que diraient le Roi et le Concile de cela, mais l'hospitalité, l'amitié, l'honneur et la compassion tendaient à lui permettre de subsister. Les débats se poursuivirent. Les démiurges furent relayés et d'autres étudièrent un rituel pour sauver l'inconscient.

Le Conseil finit par se décider et se présenta devant le hors la vie. Après un sermon sévère, le Patriarche exposa la situation. Sa destruction et la fin de son existence ou l'animation d'un cadavre. Il avait perdu sa vie affective mais le corps de son espèce était simple, désordonné, soumis aux caprices, proie facile de l'Innommable, la libération affective était particulièrement ardue pour une telle chair. Cette perte n'était peut-être donc pas si dramatique. Et la magie pouvait lui conserver une forme de sensibilité, de perception. Les démiurges croyaient pouvoir l'équilibrer et produire une certaine allégresse. Par correspondance, sa raison pourraît être plus claire, plus sûre. Le rituel pour éviter sa destruction le lierait aux Arcanes Taryante, à la quête des Bien-Nés. Ce lien indéfectible est perçu comme une sorte d'esclavage par un esprit médiocre. En réalité, il était esclave dans sa vie, asservi à son ambition, à sa recherche compulsive de puissance. Ce lien le libérerait donc au contraire de ses délires. Il participerait à la lutte contre Ce-Qu-On-Ne-Peut-Nommer, acquérerait une puissance supérieure à celle qu'il avait possédé vivant, un pouvoir au progrès indéfini comme la durée de son existence. Il deviendrait dépendant des Arcanes Taryante, sa trahison signerait sa fin et, malheureusement, il n'y avait pas d'autre option. Peut-être pourrais-je vous anéantir avant de l'être moi-même ria-t-il. Il voyait le néant sur lui. Les paroles de notre ancêtre lui paraissait trop belles, incongrues, trop improbables et il continua de rire. Certains le prirent pour un dément et voulurent en finir mais le Patriarche fit signe d'exécuter le rituel et Tytalus devint le premier serviteur hors la vie de notre Maison. Il demeura sur les terres Taryante, à l'écart des regards. Il devint un excellent maître des portails et ils l'envoyaient souvent de par le monde, à la recherche de quelques substances, artefacts, grimoires ou informations.

Notre Maison ne fréquentait plus la Cour. Le Roi nous recevait en privé pour le conseiller sur la quête des Bien-Nés et pour les rituels délicats. Nos relations s'arrêtaient le plus souvent à nos voisins Ruissevent, Brume d'or et Solcouronne. Nous habitions la tour du Rameau d'or, sous des tentes autour de la pierre runique Taryante et au sanctum de la Lune. Notre manoir à Lune d'Argent était discret. Par notre science du Crépuscule, la pierre runique Taryante était devenu un portail vers nos terres, des terres d'Azeroth qui n'en était à la fois reliée que par ce portail mais cela, seuls les initiés le conçoivent adéquatement ou certains esprits particulièrement doués, comme le seigneur Eleor Saen'Thalas de nos jours.

Si nos ancêtres préféraient cacher le cas de leur nouveau serviteur, ils s'inquiétaient de la découverte d'un démoniste parmi l'un de leurs alliés qui leur avaient paru le plus digne de confiance, et avertirent le Roi que des démons avaient été vus chez leurs alliés. Haut-Soleil en parla au Concile mais les hauts-elfes ne souhaitaient pas froisser leurs alliés. Ils se contentèrent d'envoyer des émissaires affables saluer leurs alliés jeteurs de sorts et les prévenir. Ces mages avaient fondé une magitocratie du nom de Dalaran et leur usage de la magie commençaient en effet à attirer sur eux l'attention de quelques démons. Les magiocrates préférèrent ne pas mentionner les événements et écourter le circuit de la visite des elfes. Cependant, plusieurs cycles plus tard, les diableries prenant un rythme toujours plus régulier, ils se rappelèrent cette ambassade toute de sollicitude et, sans crainte d'être mal jugés, demandèrent conseil à Quel'Thalas. Des magistères furent envoyés qui rapportèrent que la situation était périlleuse. D'une part, les habitants de Dalaran ignoraient tout de l'Horreur qui guettait, leurs esprits modestes étaient peu aptes à la comprendre et cette ignorance les rendait dangereusement malléables, et, d'autre part, leur utilisation de la magie était suffisante pour attirer sur eux la Légion qui, depuis des millénaires, attendait une occasion.




Le Concile de Lune d'Argent et le Conseil dirigeant de Dalaran se réunirent pour remédier au danger à mi-chemin des deux Etats, dans les clairières où nos ancêtres avaient installé leur première colonie.
En tant que conseillers du Roi, les Taryante furent présents à cette première réunion politique avec des alliés. Nos ancêtres ne cachèrent ni leur désaccord, ni leur déception mais sans voix au Concile, ils ne purent argumenter suffisamment longtemps pour emporter l'adhésion de la majorité. Les hauts-elfes privilégièrent la raison politique à la raison des arcanes. Les magiocrates étaient présomptueux, ignoraient la faiblesse de leur espèce et en tant qu'amis et suivants de la vérité, nos ancêtres insistaient pour les amener à la percevoir. Le Concile préféra être plus consensuel et les traiter comme des égaux. Cette courtoisie allait mettre en danger Azeroth et provoquer un nouveau drame. Pour protéger le monde des démons, les magiocrates proposèrent d'investir un champion, choisi parmi les leurs, des pouvoirs nécessaires pour lutter contre toute action de la Légion. Ils ignoraient les autres agents de l'Horreur mais la principale inquiétude de nos ancêtres était que ce champion appartienne à cette espèce si encline à la démesure et à l'ambition. Le Concile crut que de choisir avec soin l'élu suffirait et le Pacte fut signé. La société secrète composée des hauts-mages des deux nations continua à se réunir en ce lieu et fut appelée les Gardiens de Tirisfal.

Les Taryante poursuivirent leurs recherches sur le Crépuscule. Enquêtant sur les corruptions qu'il avait subi au cours de l'histoire, ils apprirent en déchiffrant des bas reliefs Amani qu'un gigantesque empire voué à l'Innommable avait failli dominer le monde et avait profondément affecté la trame du Crépuscule. Le Mal se contredit lui-même et ils ne furent pas surpris de découvrir que la fureur Amani et celle des Aqir s'étaient mutuellement annihilées. Cependant, le Crépuscule conservait leur présence. Les Taryante envoyèrent des messagers auprès des Palantir pour étendre les investigations concernant cette menace. Nous renouâmes ainsi les liens avec les descendants de notre lignée Kal'dorei et nous instruisîmes le plus doué d'entre eux de nos découvertes arcaniques. Après les onze écoles des mages Arathis, une douzième école étrangère aux hauts-elfes vue le jour, la Maison Kal'dorei de Bjornaer.
Le danger se concrétisa au sud du continent du Couchant et les Kal'dorei furent entraînés dans un terrible conflit connu sous le nom de guerre des sables changeants. Nous apportâmes notre aide aux Palantir et grâce aux armées Kal'dorei menées par le champion Shiromar et l'archidruide Fandral Fortearmure qui fut peu à peu affecté par l'Innommable comme son prédécesseur, et à l'aide des Dragons, les Kal'dorei parvinrent à enfermer la vermine dans sa cité d'Ahn Qiraj en érigeant une barrière qui devait être infranchissable.
Pantin de l'Innommable, le Mal Furieux Qui Hurle sa Rage ne fut bien sûr d'aucun combat. A moins qu'il ne se soit paradoxalement un peu éveillé et que son coma ne soit une lutte secrète qu'il mène en lui-même contre l'influence de l'Innommable.

Cette grande victoire de nos cousins montrait assez l'insuffisance des gardiens de Tirisfal, qui ne percevaient pas les abominations lovées au sein d'Azeroth. Pire, ils furent même incapables de défendre Azeroth contre les dangers extérieurs. Avant que trois millénaires ne s'écoulent depuis la création des Gardiens de Tirisfal, ce que les Taryante craignaient arriva. La corruption gagna un Gardien et le Titan Noir posséda son rejeton, Medivh "le gardien des secrets". Celui-ci participa à la création du portail des ténèbres, permettant à un peuple asservi par la Légion de déferler sur Azeroth.

Conscient du danger et fidèle à l'alliance millénaire, notre peuple envoya quelques compagnies renforcer les champs de bataille dès que les Arathis prirent eux aussi conscience de la menace et s'unifièrent. Le Roi Anasterian Haut-Soleil savait que le Légion finirait par découvrir le puits de soleil et qu'il deviendrait sa principale cible. Il déploya les armées afin de le défendre au mieux et conçut un plan. Quand les esclaves de la Légion attaqueraient Quel'Thalas, notre armée pourrait résister, la proximité du puits décuplant sa puissance, et nos alliés prendre à revers nos ennemis. Hélas, quand les asservis assaillirent notre Royaume, les Arathis préférèrent renforcer leurs positions, limiter les pillages dont ils étaient victimes et ne suivirent pas le plan de Haut-Soleil.
Les forêts à la périphérie de Quel'Thalas furent incendiées, les citoyens du Gite de Quel'Lithien massacrés. Par voie maritime, la Horde parvint à débarquer sur les côtes de Coursevent et à incendier la lisère des bois sur la côte de Brume d'Or. Les défenseurs elfiques s'alignèrent le long des rivages pour repousser les assauts. Ceux-ci n'étaient que des diversions qui permirent à un raid guidé par des Amani de pénétrer dans les bois en longeant l'Elrendar. Ils parvienrent à voler des pierres runiques. Ils ne purent déloger les trois monolithes centraux mais désactivèrent et transportèrent les autres. Le bouclier défensif s'en trouva amoindri: désormais la côte du couchant et les hautes terres du levant n'étaient plus protégées. Des Amani en profitèrent peu à peu pour parasiter la partie levantine des bois des chants éternels tandis que des murlocs tentèrent de coloniser la côte.

Ces pillards profanèrent plus tard les pierres dérobées et construisirent avec elles des autels démoniaques.






La flotte de la Horde, chassée par les navires de Quel'Thalas menés par l'amiral Mer'Enrewen, leva les voiles et fit jonction avec la Horde qui, à terre, avait déjà commencé à piller les royaumes au sud de Quel'Thalas. Réunie, leur armée s'abattit sur les timorés dont les cités furent rasées l'une après l'autre.

La bêtise et la méchanceté étant synonymes comme je le rappelais, la division s'installa chez nos adversaires au moment où nos alliés semblaient perdus. Avec notre aide, ils surent profiter de ses dissensions pour renverser le cours de la guerre et vaincre cette Horde.

Un esprit non averti pourrait croire que ce n'était que l'expression de la contradiction inhérente à cette Horde. En réalité, le Marteau du Crépuscule avait pris connaissance de notre puissance sur le Crépuscule. Travestir les runes crépusculaires des pierres dérobées ne leur suffisait pas. Ils voulaient dominer le Crépuscule sans partage et la tombe du Fléau des Bien-Nés, du Titan Noir, pouvaient receler les artefacts suffisants à leur victoire. Sans doute savaient-ils que nous sommes toujours les seuls dans les deux mondes à maîtriser la science de la poudre crépusculaire. Tous les chevaliers de Quel'Thalas, la chevalerie qui a été inventée par notre peuple et qui se poursuit dans l'ordre des chevaliers de sang, utilisent lors de leur initiation cette poudre crépusculaire pour se préserver de l'Innommable. Les Amani leur avait appris que les pierres runiques permettaient de durer indéfiniment, que le Crépuscule était la véritable clé de la victoire, et sans la vengeance de ceux qu'ils avaient trahi, ils y seraient peut-être parvenus... Ou plus exactement, les Dieux Très Anciens auraient vaincu en manipulant ces marionnettes là.

Au moment où nous pensions fêter la victoire, la porte des ténèbres vomit une nouvelle vague d'ennemis qui se replia malgré ses victoires. Tous les membres de l'alliance, s'attendant à un troisième assaut plus dévastateur que les deux précédents, décidèrent d'envoyer des troupes d'élite au-delà de la porte pour en finir avec cette terrible menace. Dame Alleria de la Maison Coursevent, militaire hors pair, constitua une compagnie de forestiers d'élite pour chasser cette menace. Les contingents alliés refermèrent la porte alors que l'armée ennemie la franchissait, l'amputant en grande partie, mais il semble qu'ils périrent tous de l'autre côté.

Le danger écarté, le temps du bilan et des réparations était venu. Les délégations successives que notre gouvernement envoya au Roi de Lordaeron, chef de l'Alliance, revinrent toutes aussi dépitées. Nous pouvions accepter une erreur tactique, non qu'il ne reconnaisse pas même son erreur. La victoire lui occultait les terribles manquements stratégiques. Nous avions beau lui expliquer que le refus d'exécuter le plan de Haut-Soleil avait rasé toutes les cités de son royaume et que la guerre aurait été perdue avec sa capitale sans la bêtise inouïe de nos adversaires, il justifiait ses décisions et prétendait que nous devions le louer d'avoir envoyé un centaine de ses sujets à la mort pour nous prêter main forte. Ne cessant ainsi de nous affirmer que son incompétence n'était pas occasionnelle mais fondamentale, refusant de réformer le gouvernement tactique de l'Alliance, Quel'Thalas décida de se retirer. Nous ne pouvions plus soutenir une alliance dont nous ne pourrions pas suivre la stratégie. En raison de son aveuglement et de la courtoisie dont nous avions toujours fait preuve à l'égard de nos alliés, notre rupture le surprit. Nous espérions que cela le ramènerait à la raison mais nos souhaits ne se réalisèrent jamais. L'antique royaume Arathi de Strom se défia peu après de lui et quitta l'Alliance. Le Concile de Lune d'Argent entreprit de tisser des liens plus étroits avec lui.

Les Taryante envoyèrent des ombres parcourir le monde, à la recherche d'alliés potentiels. Si la distance ne pouvait en faire des alliés politiques, il était possible que des peuples puissent s'élever à la Quête. Au sud du continent du Couchant, nos envoyés approchèrent un peuple à la fois fruste et spirituel, simple et élevé. Nos investigations nous firent penser que ce peuple avait été soumis par l'Innommable et façonné en colosses dont la furie immanente avait été inégalée. Ce peuple s'était libéré en écoutant la Nature et en ordonnant sa nature. De nos rencontres naquit une treizième école que fonda l'un d'eux, Diedne.



Les Taryante eurent également le plaisir de faire la connaissance de l'Archimage Antonidas, chef du Kirin Tor, le conseil dirigeant de Dalaran. Il nous avait consulté car il s'intéressait à la libération affective, au sujet des esclaves de la Légion, et au Crépuscule, les deux Arts fondamentaux de la quête des Bien-Nés. Tout en conservant une certaine défiance vis-à-vis d'un représentant de ce peuple dont l'histoire nous manifestait toujours davantage ses limites, nous l'initiâmes en partie à notre Science. Nous fîmes part au Roi de sa valeur, et de nombreux hauts-elfes partirent étudier, enseigner et vivre un temps dans la cité des mages.

Une autre raison alimentait notre prudence vis-à-vis d'Antonidas. Le Crépuscule se troublait d'une manière que nous n'avions pas connue depuis la guerre des sables changeants. Un nouveau masque de l'Innommable semblait éclore dans les terres glacées du Norfendre. Nos rituels perturbés, nous redoublions d'effort et le Crépuscule nous accaparait ainsi de plus en plus.

La vermine émergea sur les terres de nos anciens alliés. Une peste ravagea leurs contrées et le fils du Roi s'avéra pire que le père. Menethil fut entièrement corrompu par ce qu'il combattait et prit leur tête pour dévaster son propre royaume et perpétrer le parricide. Il résolut ensuite de réanimer un mage de Dalaran converti à la nécromancie et attaqua Quel'Thalas dans ce but.

Non seulement, une armée innombrable de hors la vie s'abattit sur le Royaume mais l'un des nôtres nous trahit. Magistère, Haut-Conseiller siégeant au Concile de Lune d'Argent et ami de Lor'themar Theron, second de la générale Sylvanas et futur régent de Quel'Thalas, Dar'Khan de la Maison Drathir arpentait la voie des Bien-Nés. Le faible résultat de ses rituels l'impatienta et les nôtres lui paraissaient trop complexes. Il chercha à l'étranger des savoirs pour mieux utiliser le puits de soleil. Lorsque Menethil lui donna des renseignements à ce sujet, il l'écouta et tomba rapidement sous son influence, confondant sa première recherche et le pouvoir pour lui-même. Menethil avait acquis une puissance de fascination et de contrôle inégalée mais il ne fit que développer des tendances enfouies dans l'âme du traître. La décadence guettait certains hauts-elfes et Dar'Khan l'incarna dans toute son ignominie. Le puits d'éternité pouvait permettre de libérer Azeroth de l'Innommable, le puits de soleil seulement de contrecarrer son influence et de progresser lentement, dans un combat millénaire. La majorité des Bien-Nés s'étaient détournés peu à peu de cette guerre, l'oubliant même parfois, restreignant la Quête à l'expérience de la Béatitude puis à celle d'une douce félicité. Au cours des millénaires, elle s'était retirée derrière la joie des Arts et de la Beauté qui elle-même avait laissé la priorité au plaisir de la jouissance immédiate. Or, le plaisir est cet état où la conscience s'abolit et cette félicité dans les plaisirs conduisit certains à régresser et à se rapprocher des faiblesses d'avant l'éveil. Dar'Khan, incarnation de la décadence: de cette douce torpeur recouverte par l'éblouissement des arts et des gloires de Quel'Thalas d'une part, et de cette spécialisation des jeteurs de sort oubliant la sagesse et la complexité de la démiurgie Bien-Née d'autre part. Quand tout fut anéanti, les artistes, les créateurs, les grandes maisons et les initiés disparus, la décadence devint visible et tout fut à rebâtir.




Quel'Thalas demanda au Roi Arathi de Strom et aux magiocrates d'assaillir le Fléau sur ses arrières mais, malgré les relations millénaires et toujours plus étroites entre nos Etats, personne ne vint à notre aide. Si elle fut désastreuse pour nous, la stratégie sembla d'abord payante pour le royaume de Strom qui resta à l'écart de la route des pestileux. L'assassinat du Roi provoqua néanmoins sa chute. Quant aux magiocrates, ils étaient sur tous les fronts et ne purent ni nous venir en aide, ni empêcher que Dalaran ne soit rasée.

Une route impie, noire, charriant les flots putrides des cadavres animés de Lordaeron et des amoncellements de chairs nécrosées façonnées par des sorciers nécromants hors la vie, jaillit à l'intérieur des remparts et avança inexorablement vers Lune d'Argent. Tout ce qui se trouvait sur son passage était anéanti et les Terres Enchantées se flètrirent, toute la province fut empoisonnée. Toutes les maisons, tous les ordres militaires du Royaume tentèrent de les arrêter en vain.La route noire absorbait nos rituels, rien ne parvenait à repousser cette béance des abîmes. Tous les Taryante, à part la plus jeune génération, combattirent aux côtés de la famille royale et furent massacrés avec elle. La générale des forestiers, Sylvanas de la Maison Coursevent se battit avec détermination. Pour chaque arbre ou chaque elfe tombé, dix, cent hors la vie étaient transpercés. Hélas, certains parvenaient à se relever, et nos morts avec eux pour se retourner contre nous. Tel fut le destin de la générale, tuée puis réanimée pour servir Menethil. Ce fut le début de l'hallali et d'une retraite sans espoir. Leur nombre était sans fin, comme les infinis tourments de l'Horreur qui s'incarnaient dans les agonies des Bien-Nés. La légion des démons arachnides des cryptes et leur seigneur Anok'Suten exterminèrent les défenseurs de Solcouronne et conquirent le village après en avoir extirpé toute vie. A Brume d'or, les sorciers nécromants rongèrent les âmes des biens-nés jusqu'aux tortures d'une malédiction de l'errance spectrale. Le Crépuscule se convulsa au rythme des vagues de ce mana pestilentiel mais les rituels bien-nés tinrent bons jusqu'à la perte du Puits. La source de mana évanouie, les créatures arcaniques du sanctum de la Lune devinrent folles et les Bien-Nés côtoyèrent le vide.

Le réseau des pierres runiques tint bon et permit de sauver les bois des chants éternels et la province royale de la pestilence mais la malebrêche poursuivit pourtant sa progression, atteignit Lune d'Argent, et traversa la grande allée qui menait jusqu'au plateau du puits de soleil.

Le Damné et ses innombrables balayèrent les derniers gardiens et pénétrèrent dans le saint des saints. Menethil y plongea le nécromant du Kirin Tor et parvint à le réanimer. Souiller le puits de soleil, la source de notre libération ne suffisait pas à ce suprême esclave de l'Innommable. Il lui fallait détruire la source et voulut donc faire exploser le puits. Il n'avait pas les compétences pour le détruire mais l'explosion provoqua un séisme et la province royale fut coupée en deux. La partie nord de Lune d'Argent et le territoire septentrional du Royaume furent projetés loin des côtes, formant une île que les survivants appelèrent simplement Quel'Danas.


Les Sin'dorei, les elfes de sang

Quelques survivants avaient pu fuir le Fléau, cachés dans les bois et les monts au voisinage du Royaume, par delà la pierre runique Taryante, sur un navire ou se téléportant chez une ancienne puissance alliée ou dans une autre contrée. Tous, coupés de l'énergie du puits, restions sans force. Les plus faibles perdirent la raison et furent habités par une pure avidité, aussi asservis que l'étaient les Amani. Terrible malédiction que de voir les nôtres si loin d'eux-mêmes. Nous cherchions à diminuer l'absence du mana comme nous le pouvions. Les Taryante et nos sujets se pressaient autour du joyau des Arcanes, d'autres avaient recours à des drogues pour s'insuffler quelque énergie. Certains rejoignirent la cité des mages et apprirent la terrible nouvelle au prince Kael'Thas, dernier survivant de la Maison Haut-Soleil.

Quel'Thalas n'était plus mais Haut-Soleil rayonna sur nous avec une intensité à la hauteur du désastre. Avec lui, la lumière surgit du néant. A la nouvelle de son arrivée, nous nous pressâmes pour le voir. Les survivants de Quel'Thalas qui s'étaient réfugiés dans les montagnes, forêts et colonies voisines du Royaume furent parmi les premiers à revenir. Je croyais chevaucher pour l'accueillir mais à nous voir hagards et moribonds, il me sembla contempler une assemblée d'orphelins retrouvant un parent et espérant qu'il leur offrirait un repas. Le prince Kael'Thas jugea en un instant de la situation. Son visage blème explorait déjà l'avenir mais ses gestes nourrissaient le présent. Les déments commencèrent à agresser les autres et nous dûmes les chasser vers le couchant. Ils s'enfuirent vers les ruines de la cité et vers le port. Les plus faibles qui restaient vidèrent les cristaux de mana qu'il distribuait. Quand tous furent en état de l'écouter, il prit la parole et articula notre destin. Pour honorer nos morts, il nous rebaptisa elfes de sang, Sin'dorei.

Notre prince bien aimé avait moins souffert que son peuple. A Dalaran, des cristaux de mana relayaient l'éloignement du puits. Néanmoins, il semblait diminuer. Nous l'étions tous et la perte de tous les siens, de son peuple, suffisaient à nous l'expliquer et nous n'avions guère les moyens d'y prêter attention. Pourtant, la cité des mages l'avait affaibli. Pire, certains affirmaient que son esprit était troublé, que loin de Quel'Thalas sa puissance affective avait été ébranlée. Qu'il serait même tombé amoureux d'une femme, autrement dit d'un être à l'esprit aussi faible que son corps est laid. Quelques uns murmurèrent après son retour que la beauté d'aucune elfe ne lui faisait oublier cet être non encore éveillé. Et l'effroi résonna chez ceux encore assez lucides pour penser. Si certains d'entre nous avaient régressé jusqu'à l'avidité Amani, aurions-nous nous mêmes pu nous effondrer au niveau des peuples ignorants encore l'éveil? L'introspection ne démentit qu'en partie cette dégénérescence. Notre équilibre était menacé mais il tenait. Qu'en était-il des autres? Et que nous réservait l'avenir? En aurions-nous seulement un? Ces questions s'évanouissaient au regard de la détermination magistrale du prince Kael'Thas mais rejaillissaient au souvenir de Dar'Khan et devant la déchéance de certains Bien-Nés qui s'exilèrent.


Les Quel'dorei

Celle qui mena ces traîtres fut Vereesa, la plus jeune des trois sœurs Coursevent. Traumatisée par le sort de son aînée, elle se mit à la haïr. Sa non vie était un outrage, une abomination à laquelle il fallait mettre un terme. Elle emporta une partie des survivants avec elle pour partager sa colère. Elle rejoignit la cité des mages et se lia à son chef. Les sources de mana de Dalaran et quelques gangrecristaux sertis sur ses épaulières lui permirent de se relever, mais pas suffisamment pour ne pas s'abaisser à la haine la plus stupide et à une relation affective avec un non éveillé. Lorsque Sylvanas s'arracha à l'emprise de Menethil, sa cadette continua à la haïr. Pourtant, quelques cycles plus tard, on la voyait accueillir des chevaliers noirs de Menethil, tombés et relevés comme sa sœur, sans pour autant changer d'avis sur elle. Aucune de nos ambassades ne put la fléchir. Elle reste déterminée à nous détruire jusqu'au dernier. Son aveuglement n'est qu'une des multiples formes de délires qui s'abattirent sur les nôtres après le Fléau. Ses émanations rongent les esprits et la perte du puits de soleil nous plongeait tous dans les tortures du vide. Le manque et l'insatisfaction remplaçaient chez la plupart des nôtres la plénitude qui était autrefois aussi évidente que vivre et respirer.




Nous nous aperçûmes rapidement que la frontière entre éveillés et non éveillés, entre Bien-Nés et ignorants n'avaient jamais été aussi ténus. Une nouvelle ère commençait où certains des nôtres se retourneraient contre nous tandis que nous pourrions nous appuyer sur des étrangers. Telle était peut-être la signification de l'affection que le prince Kael'Thas avait porté à une humaine.

Quel'Thalas connaissait de nouveaux troubles, les vols et les agressions s'installèrent jusqu'au cœur de la capitale tandis que l'aîné de notre famille et nos meilleurs gardes suivirent Haut-Soleil pour combattre le Fléau...